Laurie Sompayrac – Doctorat en sciences de l’éducation
Laurie Sompayrac a effectué son parcours universitaire à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, d’abord en lettres puis en sciences de l’éducation. Elle nous explique son parcours qui l’a mené jusqu’en doctorat. Elle a soutenu sa thèse en novembre 2020.
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Quel est votre parcours universitaire ?
Après un bac L obtenu dans l’Académie d’Aix-Marseille dont je suis originaire, j’ai d’abord tenté une licence en psychologie mais je n’ai pas accroché avec la discipline et je me suis très peu investie. Je suis venue m’installer à Limoges l’année suivante et ai intégrée la licence de Lettres Modernes que j’ai adorée. J’ai poursuivi ma formation en Master Diversité Cultures et Francophonie qui à l’époque avait encore la double casquette : littérature francophone et sciences de l’éducation. J’y allais d’abord pour la littérature francophone qui me passionnait à l’époque mais j’étais en parallèle intervenante pour un dispositif d’accompagnement éducatif dans les quartiers prioritaires ce qui a fait naître des intérêts particuliers pour les Sciences de l’éducation. J’ai donc écrit mes mémoires de M1 et M2 sur des questions éducatives, mettant de côté la littérature.
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Qu’est ce qui vous a motivée à continuer en doctorat ?
Mes objets de recherche majoritairement, mon envie de tout comprendre, ma curiosité, mais également les encouragements de mes enseignants, surtout ceux de mon directeur de TEIR.
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Comment avez-vous choisi votre sujet ?
Je travaillais pour un dispositif d’accompagnement éducatif dont je souhaitais comprendre les enjeux, les logiques de décisions, les fins politiques. J’ai donc négocié mon terrain d’observation de manière à investir les instances décisionnelles. Puis petit à petit j’ai focalisé mon regard sur les pratiques, les activités et le langage des personnes qu’il m’était donné d’enquêter car j’ai développé un intérêt pour l’observation des instants du quotidien qui passent inaperçus.
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Quel est votre sujet ?
J’ai étudié la manière dont les professionnels socio-éducatifs ( coordonnateurs du Programme de Réussite Educative, salariés du programme, directeurs d’école élémentaire, CPE, principaux adjoints, assistants sociaux, responsables des temps périscolaires, animateurs des centres sociaux, éducateurs spécialisés, psychologue scolaire, infirmiers scolaires ) travaillent entre eux au sein du Programme de Réussite Éducative qui est un dispositif d’accompagnement éducatif et social porté par la politique de la ville. J’ai ainsi montré comment les professionnels inventent des manières de travailler ensemble pour atteindre des objectifs qui leur sont propres au point parfois de détourner les objectifs fixés par l’ État et de redéfinir les règles de travail qu’on tente de leur imposer.
Pour cela j’ai mené des observations du quotidien des professionnels pendant 5 ans, conduit des entretiens, épluché les archives administratives et les documents officiels du dispositif. Il en ressort que les professionnels socio-éducatifs du territoire inventent leurs propres ressources dans l’action publique territorialisée qu’ils pensent les plus adéquates aux besoins qu’ils identifient chez les enfants et qu’ils ne trouvent pas dans les autres dispositifs notamment de droit commun. Ils utilisent en effet l’action publique pour défendre des intérêts éthiques. Ils pensent ainsi différemment les besoins des enfants des quartiers prioritaires. Non pas en termes d’accès au droit commun ou de réduction des inégalités mais en termes d’attention portée à une forme de bien-être moral et psychologique voire d’épanouissement dans le quotidien à un niveau micro social, à l’échelle individuelle de chacun des enfants.
Le territoire local est ainsi un terreau fertile à la construction de nouvelles ressources. En investissant les zones d’incertitudes notamment laissées par l’absence de gouvernance les professionnels de terrain ont la possibilité de développer des paradigmes nouveaux qui leur paraissent les plus pertinents et ainsi de résoudre les situations complexes et les énigmes qui se présentent à eux.
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Comment se sont passées vos années de doctorat ? Quels sont les obstacles rencontrés ?
Mes années de doctorat ont été faites de moments de forte motivation mais également de doutes importants sur mes capacités. On vit tous ces années différemment donc personne ne peut nous préparer à ce qui nous attend. C’est une aventure dont je suis ressortie grandie. La valeur du dépassement intellectuel et du dépassement de soi est inestimable et c’est ce qui a été à la fois mon plus grand défi, ma plus grande motivation et aujourd’hui ma plus grande fierté.
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Comment avez-vous financé votre thèse ?
J’ai été financée par une bourse doctorale et un contrat d’enseignement pendant trois ans. Puis les deux dernières années j’ai été ATER.
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Comment avez-vous géré votre temps entre la recherche et l’enseignement ?
Comme j’ai pu. La charge d’enseignement les trois premières années est en réalité très faible, seulement 64h je crois dans l’année. C’est très bien pour commencer mais pas si chronophage finalement. Pour ce qui est des années d’ATER j’étais à temps complet soit des contrats de 192h. J’ai pu goûter à la réalité du travail d’un enseignant-chercheur et c’est là que j’ai su que je voulais en faire mon métier. Pour ce qui est de la gestion du temps, je ne sais pas faire plusieurs tâches à la fois, je dois en finir une pour en commencer une autre. Je préparais mes cours du semestre le plus tôt possible, soit l’été soit vraiment tout début septembre afin d’être totalement disponible à la recherche le reste du temps. Jusqu’aux examens je ne faisais qu’enseigner et faire de la recherche. Je faisais en sorte de terminer les tâches de recherche (observation, analyse ou rédaction) avant les examens car c’est une période intense avec les cohortes que nous connaissons en Sciences de l’éducation. Et je reproduisais la même organisation pour le second semestre. Et surtout, je dormais la nuit. J’ai limité au maximum le travail de nuit afin de m’assurer 8 heures de sommeil par jour et être à mon maximum face aux étudiants, sur le terrain ou sur mes analyses.
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Quelles vont être les retombées de votre thèse ?
J’ai déjà produit des rapports d’analyse pour les dispositifs que j’ai enquêtés permettant aux opérateurs des politiques publiques et aux cadres administratifs de modifier ou au contraire d’affirmer certaines actions qu’ils conduisent. Mes travaux m’ont également permis d’intégrer des groupes de recherche afin non seulement de diffuser davantage mes résultats mais également d’en produire de nouveaux.
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Comment s’est passé la rédaction de la thèse ? Comment s’est passé la soutenance ?
La rédaction est un moment de grande solitude, en tout cas pour moi ça l’a été. C’est l’étape lors de laquelle les directeurs se retirent pour laisser notre esprit et notre réflexion se déployer. Ils sont là pour nous questionner, nous lire, nous accompagner à la rédaction afin de nous pousser dans nos derniers retranchement intellectuels mais le gros du travail se fait seul devant un ordinateur et des tas de carnets, tableaux d’analyses et autres supports de données. Rédiger une thèse est un exercice d’écriture totalement différent de tout ce que j’ai connu auparavant et je suis plutôt une habituée du travail d’écriture. Cela requiert un académisme et une rigueur de la pensée particuliers afin de réaliser la démonstration scientifique attendue tout en embarquant le lecteur dans notre « univers », dans notre originalité de recherche.
La soutenance a été extrêmement enrichissante car les membres du jury y proposent des pistes pour poursuivre le travail et de nouvelles manières de l’envisager. C’est également là que j’ai pris la mesure du travail fourni pendant toutes ces années. C’est l’occasion unique de discuter de notre travail avec des spécialistes de ces questions.
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Quels sont vos projets pour la suite ?
Je souhaite devenir enseignant-chercheur, donc je suis actuellement dans la constitution de mon dossier de qualification au titre de Maîtresse de conférence. Je suis également engagée dans plusieurs ouvrages collectifs, rédaction d’articles et recherches collectives. Je n’ai pas le temps de m’ennuyer.
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Quels conseils donneriez-vous à un.e étudiant.e qui souhaite poursuivre en thèse ?
Je ne sais pas si je suis bien placée pour donner des conseils mais je dis à tous les nouveaux doctorants de ne surtout pas rester seuls. De solliciter le laboratoire, les doctorants du laboratoire, de participer aux formations de l’école doctorale pour rencontrer des doctorants d’autres disciplines, de s’investir dans des projets collectifs etc. L’isolement est un vrai problème chez les doctorants et la raison de nombreux abandons. C’est la raison pour laquelle je souhaite désormais prendre le temps de m’investir davantage auprès des doctorants de mon laboratoire, pour leur montrer qu’ils ne sont jamais seuls. Aller boire verre, discuter entre deux réunions ou deux cours, échanger un mail ou SMS ça peut réellement changer la journée, la semaine voire le mois d’un doctorant.